L’Assemblée générale du Patriarcat de Jérusalem rejette le bail signé avec un investisseur israélien

Par Harut Sassounian
Il s’agit du dernier épisode en date de la controverse concernant la location du « Jardin des Vaches » – environ 25 % du quartier arménien du Patriarcat à Jérusalem – à un investisseur israélien.
En 2021, le patriarche arménien Nourhan Manougian a signé un contrat avec un homme d’affaires israélien pour lui louer 11 500 mètres carrés de terrain du Patriarcat pendant 98 ans afin d’y construire un hôtel de luxe.
Malgré de nombreuses demandes, ni moi ni le public arménien n’avons pu consulter une copie du contrat. Nous n’avons pas non plus eu accès aux copies des deux plaintes déposées par le Patriarcat et la communauté arménienne de Jérusalem contestant la validité du bail. De plus, les avocats de la communauté arménienne ont préparé un rapport d’enquête de 184 pages qui n’a pas été rendu public. Nous ne disposons pas non plus d’une copie de la contre-action intentée par l’investisseur israélien contre la communauté arménienne locale.
Il est essentiel de connaître les termes du contrat. Qu’a exactement accepté le Patriarche à l’investisseur israélien ? Quelle compensation l’investisseur israélien a-t-il promise au Patriarcat en échange du bail ? Le contrat prévoyait-il une annulation unilatérale par l’une des parties, ou la résiliation nécessitait-elle un accord mutuel ? Concernant les poursuites, de quelles violations l’investisseur israélien et le Patriarcat arménien étaient-ils accusés ?
L’aspect le plus troublant de la non-divulgation de ces documents clés est que les parties traitent ce litige comme une affaire privée. Les propriétés du Patriarcat intéressent l’ensemble de la nation arménienne, et pas seulement le Patriarcat ou la communauté locale. Depuis des siècles, les pèlerins arméniens du monde entier ont fait des dons généreux qui ont permis au Patriarcat d’acquérir nombre de ces propriétés.
Garder le contenu de ces poursuites confidentiel est absurde. Lorsqu’une action en justice est déposée, le défendeur en reçoit une copie. Par conséquent, tant les accusateurs arméniens que le défendeur israélien connaissent le contenu des poursuites. Seuls les Arméniens du monde entier restent dans l’ignorance.
De plus, en raison du statut politique contesté de Jérusalem-Est, ce bail revêt une importance majeure pour la communauté internationale, notamment les Palestiniens, les gouvernements arabes, l’État d’Israël et tous les Arméniens, en particulier la communauté arménienne de Jérusalem, en déclin. Il n’est pas surprenant que l’Autorité palestinienne ait adressé une lettre de protestation vigoureuse au Patriarcat arménien concernant sa décision de placer une grande partie de ses biens sous le contrôle d’un investisseur israélien.
Le roi de Jordanie, gardien historique de Jérusalem, et Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité nationale palestinienne, ont publié une déclaration commune accusant le patriarche, tout en suspendant la reconnaissance de l’archevêque Manougian comme patriarche de l’Église arménienne de Jérusalem, de Terre Sainte et de Jordanie. Un représentant de l’Autorité palestinienne s’est même engagé à payer l’amende pour la résiliation du bail.
Le contrat de 2021 porte les signatures du Patriarche, du Grand Sacristain du Patriarcat, l’archevêque Sevan Gharibian, et du Père Baret Yeretzian, directeur du Département immobilier du Patriarcat. Lorsque la controverse a éclaté, le Patriarche a fait du Père Yeretzian son bouc émissaire et l’a défroqué, après l’avoir accusé de tromperie. De manière incroyable, le Patriarche a prétendu avoir signé le contrat sans le lire. S’il ne l’avait pas signé, les deux autres signatures n’auraient eu aucune importance. Comment le Patriarche peut-il signer un bail de 98 ans pour 25 % du territoire du Patriarcat sans l’avoir lu au préalable ni obtenir l’avis juridique de ses avocats, apparemment présents ? De plus, signer un bail d’une telle durée sans l’approbation de l’Assemblée générale viole les statuts du Patriarcat. En 2021, 17 membres de la Confrérie du Patriarcat, soit la majorité de son organe suprême, ont publié deux déclarations s’opposant au bail et affirmant que le Patriarche n’avait pas l’autorité nécessaire pour le signer.
Ces derniers mois, l’investisseur israélien et le Patriarcat arménien se sont rencontrés à plusieurs reprises pour réviser le contrat de 2021, proposant notamment de réduire les conditions du bail, notamment en réduisant la superficie de 11 500 à 7 200 mètres carrés. La communauté locale s’est opposée à cette proposition de révision, craignant que son acceptation ne valide le bail initial de 2021.
La semaine dernière, 20 éminents universitaires, juristes et personnalités culturelles israéliens ont publié une déclaration urgente soutenant le quartier arménien de Jérusalem et rejetant le bail du Jardin des Vaches.
Enfin, 28 membres de l’Assemblée générale du Patriarcat, venus du monde entier, se sont réunis à Jérusalem le 24 septembre pour adopter une position officielle sur le projet de bail révisé.
Après de longues discussions, l’écrasante majorité des membres de l’Assemblée générale a décidé :
1) Les déclarations des membres de la Confrérie du 27 octobre 2021 et du 15 novembre 2021 condamnant la transaction restent valables et contraignantes.
2) Le contrat de bail de 2021 pour le « Jardin des Vaches », signé le 8 juillet 2021, est jugé illégal, non canonique et nul et non avenu, car conclu sans l’approbation de l’Assemblée générale.
3) L’Assemblée générale rejette formellement l’avenant et l’accord de règlement issus de la médiation.
4) Un comité de cinq ecclésiastiques a été constitué, avec l’aide des avocats du Patriarcat, pour poursuivre l’action en annulation intentée contre « Xana Gardens » Ltd, l’investisseur israélien.
La décision du tribunal israélien concernant la validité du bail signé par le Patriarche en 2021 reste à déterminer.