French – Que fera ensuite M. Pashinyan ? Démolir le musée du génocide ?
Par Harut Sassounian
Depuis des mois, le Premier ministre Nikol Pashinyan et ses subordonnés tout aussi incompétents font des déclarations anti-arméniennes. Il a commencé par dénigrer le mont Ararat, puis a critiqué les symboles officiels de la République d’Arménie, protégés par la Constitution : l’hymne national et les armoiries.
- Pashinyan a également suggéré que l’Arménie devait adopter une nouvelle constitution supprimant les références à l’Artsakh et au génocide arménien qui sont inscrites dans la déclaration d’indépendance. Il fait à plusieurs reprises la distinction artificielle entre « l’Arménie historique » et ce qu’il appelle « l’Arménie réelle », c’est-à-dire la République d’Arménie actuelle, qui n’est qu’une petite partie de la patrie arménienne.
- Pashinyan est également obsédé par l’idée d’implorer la paix auprès de l’Azerbaïdjan, pays hostile qui n’a aucun intérêt à faire la paix avec l’Arménie. Le seul objectif du président Ilham Aliyev est la destruction totale de l’Arménie, un pays dont il rejette l’existence, l’appelant « Azerbaïdjan occidental ». Malheureusement, Pashinyan justifie toutes ses déclarations défaitistes et compromettantes en utilisant la tactique de la peur : si l’Arménie ne se conforme pas aux exigences de l’Azerbaïdjan, elle déclenchera une nouvelle guerre !
Par l’intermédiaire d’un de ses serviteurs obéissants, M. Pashinyan remet maintenant en question la véracité du génocide arménien, sous prétexte de confirmer les faits réels du génocide. Le dernier scandale en date a débuté par une déclaration très discutable d’Antranik Kocharyan, président de la commission parlementaire de la défense et de la sécurité et membre éminent du parti au pouvoir de Pashinyan, le Contrat civil. Abordant des sujets sans rapport avec sa fonction, M. Kocharyan a jeté le doute sur les faits du génocide arménien. Naturellement, les médias azéris et turcs ont été extrêmement satisfaits de sa déclaration.
Dans une interview accordée au service arménien de Radio Free Europe le 14 avril, M. Kocharyan a déclaré que l’objectif de M. Pashinyan était de construire de « vraies fondations » liées au génocide et de « rendre plus objective la liste des compatriotes soumis au génocide ». En outre, il a souligné qu’il est nécessaire d’avoir les noms de tous les Arméniens victimes du génocide et de vérifier « où, comment et dans quelles conditions » ils ont été tués. Insistant sur cette déclaration erronée, il l’a répétée dès le lendemain lors d’un point de presse au Parlement.
Néanmoins, après avoir essuyé de vives critiques, M. Kocharyan a affirmé qu’il exprimait ses opinions personnelles, et non celles de son parti politique, protégeant ainsi M. Pashinyan de ses propos irresponsables. Toutefois, il est clair que M. Kocharyan n’aurait pas osé faire une déclaration aussi controversée sans l’approbation préalable de son patron, le Premier ministre, qui prend à lui seul toutes les décisions gouvernementales. D’ailleurs, M. Kocharyan a lui-même fait référence à M. Pashinyan dans sa déclaration sur le génocide.
« Il s’agit pour nous d’un objectif simple : connaître l’adresse et la localisation de chacun de nos 1,5 million de compatriotes. C’est également très important pour l’établissement de nos relations [avec la Turquie] à l’avenir », a déclaré M. Kocharyan. « Le 24 avril approche. S’agit-il de 1,5 million, de 2 millions ou moins ? Cette question doit être traitée de manière stricte. Mais si nous ne l’enregistrons pas, l’autre partie [la Turquie] pourra toujours dire que rien de tel ne s’est produit. Et c’est ce qu’elle a fait jusqu’à aujourd’hui », a-t-il ajouté.
Il s’agit d’une déclaration très dangereuse de la part d’un haut fonctionnaire arménien. Elle ne fait que reprendre la thèse négationniste turque qui, depuis des décennies, minimise le nombre de victimes arméniennes, affirmant qu’il est bien inférieur à 1,5 million et demandant cyniquement où sont les corps des morts. Aujourd’hui, c’est un membre du parti au pouvoir en Arménie qui vient donner du crédit aux dénégations turques.
Chercher à vérifier le nombre de victimes du génocide arménien est problématique pour d’autres raisons. Cent neuf ans après le génocide, Kocharyan a eu l’idée « géniale » de compter le nombre de victimes. Il est impossible pour quiconque de remonter dans le temps et de documenter les noms et les lieux de toutes les victimes arméniennes, qui sont au nombre de 1,5 million. Il n’y a pas de tombes ni de traces des victimes. Des familles entières et tous leurs proches ont été anéantis.
Deuxièmement, si Kocharyan poursuit sa suggestion à courte vue, je doute qu’il soit possible de trouver plus de deux cent mille noms de victimes. Ce sera le plus beau cadeau que l’on puisse faire aux Turcs négationnistes. Dès que ce nombre relativement faible de victimes sera recueilli et annoncé, les négationnistes turcs déclareront que les Arméniens viennent de prouver qu’il n’y a pas eu de génocide et qu’ils sont loin d’avoir 1,5 million de victimes. Le gouvernement turc dira au monde qu’il répète depuis un siècle que le génocide est un gros mensonge et que les Arméniens l’ont finalement prouvé.
Ni Kocharyan ni les Turcs négationnistes n’ont la moindre notion de la définition du génocide donnée par les Nations unies, qui repose sur l’intention de tuer un groupe particulier de personnes, « en tout ou en partie », sans préciser le nombre minimum de victimes. L’exercice est donc non seulement une perte de temps, mais aussi contre-productif.
J’ai une meilleure idée. Il y a des années, j’ai écrit un article dans lequel je suggérais aux Arméniens d’ériger un « Mur de la honte » et d’y inscrire tous ceux qui ont nié le génocide arménien depuis 1915, y compris les Turcs négationnistes et les non Turcs, y compris certains Arméniens.
Pour ne rien arranger, Zareh Sinanyan, le « commissaire en chef pour les affaires de la diaspora » de l’Arménie, dans une interview télévisée la semaine dernière, a accueilli de manière choquante les paroles imprudentes de Kocharyan, déclarant qu’il « aimait beaucoup l’idée ». Nous ne devrions pas être trop surpris que, contrairement à son titre, Sinanyan ait fait plusieurs déclarations contraires aux intérêts de l’Arménie et de la diaspora.
Si Pashinyan continue ses déclarations anti-arméniennes, qu’annoncera-t-il ensuite ? L’interdiction de brûler le drapeau turc le 24 avril à Erevan ou la fermeture du monument et du musée du génocide, en utilisant sa tactique habituelle de peur que la Turquie n’attaque ?
Il est triste qu’à la veille de l’anniversaire du génocide arménien, nous ayons à faire à des Arméniens qui servent la cause des négationnistes turcs du génocide plutôt que de faire avancer nos justes demandes auprès de la Turquie.