En remettant en question le génocide, Pashinyan Encourage les négationnistes turcs et azéris

Par Harut Sassounian
Les déclarations controversées du Premier ministre arménien Nikol Pashinyan concernant le génocide arménien ont récemment fait l’objet de nombreux débats parmi les Arméniens.
Les partisans de Pashinyan soutiennent qu’il n’a pas nié le génocide arménien, mais qu’il a simplement posé des questions. Pendant ce temps, ses adversaires le condamnent pour avoir nié le génocide ou soulevé des questions inutiles sur un fait historique bien établi.
Plus important que les débats internes aux Arméniens, il y a le dommage que Pashinyan a pu causer à la cause arménienne en répétant des questions similaires soulevées par la Turquie et l’Azerbaïdjan, dans le but de jeter le doute sur la véracité du génocide.
La Coalition turque d’Amérique a publié le mois dernier un article intitulé « Déclaration du Premier ministre arménien Nikol Pashinyan à Davos Zurich : le génocide est la création de Moscou ».
La Coalition turque a ajouté : « Pashinyan a suggéré que les accusations de longue date du génocide arménien dans l’Empire ottoman en 1915 pourraient avoir été fabriquées et que le sujet lui-même a été promu par Moscou pendant la guerre froide… De plus, Pashinyan a soutenu que les racines de la tragédie de 1915 résidaient dans de fausses promesses faites aux Arméniens et dans leurs attentes mal placées… Ce n’est pas la première fois que Pashinyan aborde le sujet du « génocide » d’une manière qui s’écarte du récit national traditionnel. »
Les médias azerbaïdjanais et juifs ont également profité des questions inutiles de Pashinyan pour nier le génocide arménien. L’agence de presse azerbaïdjanaise Trend a publié un article le 25 février, citant un long article de THEJ.CA (actualités juives internationales au Canada) écrit par une négationniste israélienne bien connue, Rachel Avraham, qui se décrit comme « la voix de Bakou ». L’article d’Avraham était intitulé : « Nikol Pashinyan et les événements de 1915 ». Avraham est « le directeur général du Centre Dona Gracia pour la diplomatie et un journaliste basé en Israël ».
Avraham a écrit : « Pashinyan a ouvert la boîte de Pandore arménienne, qui est quelque chose qui ne peut être ni remis en question ni mis en doute : le génocide arménien. Pashinyan a émis des doutes sur la façon dont les Arméniens interprètent les événements de 1915 et a critiqué la façon dont ils se sont accrochés à leur récit au fil des ans. »
Dans les deux phrases suivantes, Avraham se contredit sur le rôle supposé de l’Union soviétique dans la commémoration du génocide arménien. Elle écrit d’abord : « le récit arménien du « génocide », ainsi que les mythes qui lui ont été ajoutés, ont été inventés par l’Union soviétique et promus par Karen Demirchyan, membre du Comité central du Parti communiste arménien soviétique. » Elle affirme ensuite exactement le contraire : « bien que les Soviétiques aient promu le récit arménien et ajouté des mythes à leur interprétation des événements, le récit arménien n’a pas été inventé par les Soviétiques mais par les Arméniens eux-mêmes. »
Avraham fit ensuite une autre déclaration contradictoire : « Le 21 février 1985, le Politburo de l’Union soviétique, sous la direction de Mikhaïl Gorbatchev, discuta de « mesures liées au 70e anniversaire du génocide arménien »… Gorbatchev accepta les demandes des Arméniens mais fut contraint de prendre la décision opposée en raison de l’opposition de membres vétérans du Parti communiste tels que Tikhonov, Gromyko et Grishin. Ils affirmaient que soutenir le récit arménien, qui accusait les Turcs d’être responsables du génocide, nuirait aux relations avec la Turquie, qui commençaient à s’améliorer à l’époque. Lors de cette réunion, Gorbatchev s’est rangé du côté de l’opposition des trois membres vétérans au nom de la politique intérieure soviétique, mais un mois plus tard, après que Gorbatchev fut nommé secrétaire général, il les a tous trois retirés du Politburo et les a remplacés par des personnes plus conciliantes sur la question arménienne. »
Avraham fit ensuite l’affirmation ridicule selon laquelle l’Uruguay n’a reconnu le génocide arménien en 1965 qu’après avoir obtenu le feu vert de Moscou. Elle a même affirmé qu’aucun pays n’avait reconnu le génocide arménien avant l’indépendance de l’Arménie en 1991. Elle a tort, car l’Argentine l’a reconnu en 1985, l’Arménie en 1990, Chypre en 1982, le président Ronald Reagan en 1981 et le gouvernement américain en 1951, dans un document officiel soumis à la Cour internationale de Justice.
Pashinyan ne semble pas se rendre compte qu’il est le Premier ministre de l’Arménie. En tant que tel, ses paroles ont des conséquences pour la République d’Arménie, les Arméniens du monde entier et la cause arménienne. De plus, ses déclarations sont observées par ses amis et ses ennemis dans le monde entier. Les gouvernements d’Azerbaïdjan et de Turquie sont toujours prêts à exploiter chacun de ses mots pour nuire aux intérêts de l’Arménie. Par conséquent, Pashinyan doit être très prudent dans ses déclarations publiques. Il a besoin de l’aide de rédacteurs de discours professionnels et de conseillers experts. Le problème est qu’il est inexpérimenté et n’écoute personne. Récemment, lorsqu’on lui a demandé au Parlement arménien qui il consultait avant de prendre une décision, sa réponse a été : « Je ne consulte personne. »
Pashinyan quittera son poste un jour, mais les dommages qu’il laisse derrière lui à l’Arménie et aux Arméniens dureront des décennies. C’est pourquoi plus tôt il se retirera, mieux ce sera pour l’Arménie.
C’est vraiment une catastrophe pour les Arméniens que le Premier ministre arménien se joigne aux présidents d’Azerbaïdjan et de Turquie pour soulever des questions sur le génocide arménien.